Une décision et un report : des nouvelles du CEPMB en ce début d’année
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Organisme administratif fédéral créé en vertu de la Loi sur les brevets, le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB) a pour mandat de veiller à ce que les médicaments brevetés ne soient pas vendus au Canada à un prix « excessif ». En août 2019, le gouverneur en conseil a adopté d’importantes modifications relatives au Règlement sur les médicaments brevetés. Le CEPMB a retardé de nouveau l’entrée en vigueur du Règlement modifié, qui doit désormais prendre effet le 1er juillet 2021. Cet avis de dernière minute touchant le secteur pharmaceutique fait suite à la décision rendue par la Cour supérieure du Québec le 18 décembre 2020 confirmant la constitutionnalité des dispositions de la Loi sur les brevets qui établissent le CEPMB, ainsi que la majorité des récentes modifications du Règlement1.
Ce que vous devez savoir
- Entrée en vigueur reportée au 1er juillet 2021. Initialement promulgué en août 2019, le Règlement modifié entrera en vigueur le 1er juillet 2021, plutôt que le 1er janvier 2021. Les Lignes directrices du CEPMB qui assurent la mise en application du Règlement modifié devraient prendre effet à cette même date.
- La Cour supérieure du Québec confirme la constitutionnalité du régime du CEPMB. À la suite d’une contestation constitutionnelle intentée par sept sociétés pharmaceutiques, la Cour supérieure du Québec a confirmé la constitutionnalité du régime du CEPMB, estimant que la réglementation des prix des médicaments brevetés relève de la compétence du gouvernement fédéral sur les brevets.
- Maintien des facteurs économiques obligatoires et de l’ensemble des pays de comparaison; la divulgation des rabais dépasse la portée du pouvoir fédéral. La Cour supérieure du Québec a également confirmé la constitutionnalité des modifications apportées au Règlement : 1) qui ajoutent de nouveaux facteurs économiques obligatoires que le CEPMB doit utiliser pour déterminer si le prix d’un médicament est « excessif » et 2) qui remplacent l’ensemble de pays de comparaison pour établir les prix de référence.
- Cependant, comme dans une récente décision de la Cour fédérale2 (voir notre bulletin, en anglais), l’obligation pour les brevetés de déclarer les rabais consentis par le fabricant de médicaments outrepasse le pouvoir du gouvernement fédéral en matière de brevets.
- Prochaines étapes. La décision de la Cour fédérale fait l’objet d’un appel, et les parties peuvent faire appel du jugement de la Cour supérieure du Québec.
Analyse
Report de l’entrée en vigueur du Règlement modifié
Les modifications définitives au Règlement ont été rendues publiques le 21 août 2019. Depuis, des membres du secteur pharmaceutique ont institué des procédures judiciaires devant les tribunaux du Québec et les instances fédérales pour contester les modifications pour divers motifs. On a retardé de nouveau l’entrée en vigueur du Règlement modifié, qui doit désormais prendre effet le 1er juillet 2021.
Ce récent report a été annoncé quelques jours avant la date de mise en application du Règlement modifié (le 1er janvier 2021). Le CEPBM a indiqué que ce report est dû à la pandémie de COVID-19. La version définitive des Lignes directrices pour la mise en application du Règlement modifié (voir notre bulletin, en anglais) contient une brève mention concernant le traitement des médicaments utilisés relativement à la COVID-19, qui indique que le prix de ces médicaments ne sera évalué qu’une fois la crise sanitaire passée. En outre, certains intervenants ont fait remarquer que le report de la réforme du CEPMB est justifié, car l’industrie pharmaceutique se concentre sur le développement de médicaments et de vaccins salvateurs.
Le CEPMB n’a pas laissé entendre qu’il apporterait des modifications supplémentaires aux Lignes directrices « définitives » (soit la version publiée le 23 octobre 2020), dont la validité est contestée devant la Cour fédérale3. Si cette contestation n’aboutit pas, les acteurs du secteur pharmaceutique peuvent s’attendre à ce que l’examen des prix selon les Lignes directrices rendues publiques s’applique aux ventes de médicaments après le 1er juillet 20214.
Validité constitutionnelle du régime du CEPMB
En 2020, d’autres tribunaux ont scruté la validité du régime du CEPMB, et ce, avant l’examen de la Cour supérieure du Québec. Alors que la demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale, plus tôt cette année, concernait principalement les modifications récentes au Règlement, l’action au Québec visait à remettre en question l’ensemble du régime réglementaire du CEPMB (tel que défini dans la Loi sur les brevets et le Règlement) au motif que ce régime outrepassait la compétence législative du Parlement en matière de brevets, et relevait plutôt de la compétence provinciale à l’égard de la propriété et des droits civils, des hôpitaux et des questions de nature purement locale ou privée, y compris la santé.
Comme pour toute analyse constitutionnelle, l’honorable Sophie Picard a d’abord examiné le « caractère véritable » des dispositions contestées, en se fondant à la fois sur leur objet et leurs effets, avant de se pencher sur leur classification.
Caractère véritable des dispositions de la Loi sur les brevets
Selon la juge Picard, les articles 79 à 103 de la Loi sur les brevets ont pour objet d’habiliter le CEPMB à veiller à ce que les prix des médicaments brevetés ne soient pas « excessifs » et demeurent justes et raisonnables. Elle a expliqué que le Parlement laisse au CEPMB le soin de déterminer si un prix est « excessif », car il n’a pas défini dans un texte de loi ce qui constitue un « prix excessif ». Dans la perspective des débats parlementaires concernant les modifications à la Loi sur les brevets proposées en 1987 et en 1993 qui ont abouti à l’inclusion des articles 79 à 103, la juge Picard a conclu que le législateur souhaitait s’assurer que l’abolition des licences obligatoires en 1993 n’aurait pas pour conséquence des prix excessifs. Elle a soutenu que l’objet de ces dispositions est de réglementer les prix des médicaments brevetés afin de s’assurer qu’ils sont inférieurs à un certain seuil, qui doit être déterminé par le CEPMB. En ce qui concerne les modifications apportées au Règlement, la juge Picard indique qu’elles visent à réduire le prix des médicaments brevetés.
Classification des dispositions de la Loi sur les brevets
À l’étape de la classification, la juge Picard a souligné certains empiétements des champs de compétence fédéral et provincial, en mentionnant que le Parlement ne peut légiférer sur les brevets sans toucher la propriété et les droits civils (qui relèvent de la compétence provinciale). Elle a procédé à un examen détaillé de la jurisprudence concernant la validité constitutionnelle du CEPMB et du régime de licences obligatoires qui l’a précédé, en notant que chacun de ces régimes a été confirmé par les tribunaux. Les demanderesses, des sociétés pharmaceutiques, ont fait valoir que, dans chacun des cas, les tribunaux n’avaient pas bénéficié des preuves étoffées présentées à la Cour supérieure du Québec concernant le fonctionnement réel du CEPMB. De plus, elles alléguaient que, dans la pratique, le CEPMB ne se limite pas à réglementer les prix pour empêcher des abus de brevet et s’est plutôt transformé en un régime détaillé de réglementation des prix.
Cependant, selon la juge Picard, les preuves n’appuient pas une conclusion différente de celles tirées par les autres tribunaux. Elle a conclu que la réglementation des prix des médicaments brevetés pour éviter la vente à des prix excessifs a un lien logique, réel et direct avec les brevets (et non un lien purement incident ou indirect) et n’empiète pas de façon déraisonnable sur les compétences provinciales. Par ailleurs, elle a souligné que le tribunal ne peut intervenir sur les moyens choisis par le Parlement pour réglementer des domaines relevant de sa compétence (dans ce cas, en vue d’éviter la vente de médicaments à des prix excessifs, que ce soit par des licences obligatoires ou le contrôle des prix excessifs). La validité des dispositions contestées de la Loi sur les brevets a donc été confirmée.
L’obligation de déclarer les rabais est contraire à la Constitution
Pour les motifs précités, la juge Picard a confirmé la validité des modifications apportées au Règlement concernant les nouveaux facteurs et la nouvelle liste de pays. Cependant, en ce qui concerne les nouveaux articles 4(4)(a) et 4(4)(b) obligeant les brevetés à fournir au CEPMB des renseignements concernant les remises et les rabais découlant de modalités contractuelles négociées avec les provinces / payeurs, la juge a tiré une conclusion différente. En effet, à son avis, en exigeant de tels renseignements, le CEPMB empiète sur les compétences des provinces, qui ont le pouvoir exclusif de « fixer » les prix, et s’ingère dans le processus de fixation des prix établi par les provinces. Dans son appréciation, la juge s’est appuyée sur la décision rendue en 2009 par la Cour fédérale5 concernant la divulgation des rabais.
Cette conclusion formulée par la Cour supérieure du Québec relativement aux rabais est cohérente avec le résultat du contrôle judiciaire portant sur le Règlement, dont la Cour fédérale avait été saisie à la demande de Médicaments novateurs Canada6. Dans cette affaire, la Cour fédérale avait soutenu les modifications apportées au Règlement, à l’exception des exigences de déclaration des rabais qui, à son avis, outrepassent le pouvoir réglementaire de la Loi sur les brevets. Ce jugement fait actuellement l’objet d’un appel et d’un appel incident devant la Cour d’appel fédérale.
Aucune décision concernant les Lignes directrices
L’honorable Sophie Picard a refusé de se prononcer sur la constitutionnalité des nouvelles Lignes directrices du CEPMB. Elle a reconnu le risque que les Lignes directrices puissent être utilisées pour fixer les prix au lieu de simplement déterminer un prix plafond au-delà duquel un prix serait considéré comme « excessif ». Cependant, elle a souligné que les Lignes directrices sont non contraignantes et que, si le CEPMB appliquait les Lignes directrices d’une façon inconstitutionnelle pour fixer les prix, alors la solution appropriée serait un pourvoi en contrôle judiciaire d’une décision du CEPMB devant la Cour fédérale. Par ailleurs, les Lignes directrices font l’objet d’une demande de contrôle judiciaire distincte, également soumise à la Cour fédérale par Médicaments novateurs Canada.
Incidences concrètes
Les demanderesses avaient demandé que le jugement soit exécutoire nonobstant appel. Malgré l’opposition du Procureur général, la juge Picard a accueilli cette demande et a déclaré que l’application des alinéas (4)(a) et (4)(b) du Règlement est suspendue pendant d’éventuelles procédures en appel.
Néanmoins, les Lignes directrices prévoient toujours la déclaration de renseignements sur les rabais dans le cadre d’une enquête sur les prix. Comme la situation est susceptible d’évoluer, toutes les parties prenantes continueront de s’intéresser vivement aux activités du CEPMB en ce début de l’année 2021. Nous continuerons à suivre la situation de près et nous mettrons à jour notre analyse.
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1 Merck et al. c. Canada (Procureur général), dossier 500-17-109270-192
2 Médicaments novateurs Canada c. Canada (Procureur général), 2020 CF 725
3 Médicaments novateurs Canada et al. c. Procureur général du Canada, dossier T-1419-21
5 Pfizer Canada inc. c. Canada (Procureur général), (2009) 347 FTR 196 (CF)
6 Médicaments novateurs Canada c. Canada (Procureur général), 2020 CF 725
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