Passeport vaccinal au Québec dès le 1er septembre 2021
Authors
- Molly Reynolds
Eve-Lyne Morin
- Nic Wall
- Rebecca Wise
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Faisant suite à notre article récent portant sur les différentes formes de preuves de vaccination et les enjeux de confidentialité qu'elles soulèvent pour les entreprises canadiennes1, le gouvernement du Québec a récemment annoncé la mise en place d’un passeport vaccinal à compter du 1er septembre prochain. Alors qu’une nouvelle hausse des contaminations se profile, le ministre de la Santé et des Services sociaux Christian Dubé a présenté les grandes lignes du passeport vaccinal qui s’appliquera à certaines activités non essentielles, dont l’accès aux salles d’entrainement, bars, restaurants, salles de spectacles et autres lieux événementiels à travers le Québec.
Ce que vous devez savoir
- Quand : À compter du 1er septembre 2021, les résidents du Québec devront présenter un passeport vaccinal afin d’avoir accès à certains services et activités jugés non essentiels.
- Où : Le passeport vaccinal sera exigé pour les activités à haut taux de contact (salles d'entrainement, sports d’équipe, bars et restaurants) ainsi que pour les événements publics à fort achalandage (festivals et grands rassemblements incluant les événements sportifs, etc.). Les commerces de détail et les établissements scolaires sont pour l’instant exclus, mais des discussions sont toujours en cours pour savoir si les rassemblements religieux et les mariages feront partie des activités nécessitant la présentation d’un passeport vaccinal.
- Comment : Le passeport vaccinal prendra la forme d’un code QR affiché au moyen d'une application pour téléphone intelligent qui sera disponible gratuitement sur toutes les plateformes. Une version papier du code sera disponible pour ceux qui n'ont pas de téléphone intelligent. Une application distincte afin de vérifier la validité des codes sera disponible pour téléchargement par les commerçants.
Aperçu des mesures proposées
Le passeport vaccinal du Québec sera un document gouvernemental officiel attestant qu’une personne a été adéquatement vaccinée contre la COVID-19 (c.-à-d. qu’elle a reçu ses deux doses de vaccin ou, pour les personnes ayant présenté un résultat de laboratoire confirmant une infection à la COVID-19, ayant reçu une dose de vaccin au moins 21 jours après cette infection). Les individus pleinement vaccinés recevront un code QR individualisé qu'ils pourront afficher au moyen d'une application pour téléphones intelligents. Les personnes qui ne possèdent pas de tels appareils pourront utiliser les certificats de vaccination papier livrés dans les centres de vaccination, imprimer leur code QR ou demander d’en recevoir un par courrier. Le passeport vaccinal ne sera requis que pour les activités jugées non essentielles à travers la province. En ce sens, la nouvelle mesure diffère de la preuve de vaccination pour les voyages internationaux annoncée par le gouvernement fédéral, bien que des discussions sur son utilisation au niveau interprovincial et international soient en cours. La date du 1er septembre permettra au gouvernement de mettre en place des projets pilotes et à l’ensemble des citoyens de plus de 12 ans d’obtenir leurs deux doses de vaccin.
Alors que des détails additionnels sont attendus au courant des prochaines semaines, les entreprises et commerçants devraient dès à présent s’informer sur le contexte juridique, les enjeux et la manière dont cette nouvelle mesure pourrait les affecter.
Protection des droits et libertés de la personne
La question des passeports de vaccination a soulevé de nombreuses préoccupations quant à leur impact potentiel sur les droits et libertés des individus. Sur le plan juridique, tout programme de passeport vaccinal implique nécessairement la mise en balance des intérêts de la province relativement aux enjeux de santé publique et de sécurité et les droits des individus à la vie privée, à l’égalité et à la non-discrimination. Des considérations d’ordre pratique comme l’égalité d’accès aux vaccins entrent également en jeu. Dans ce contexte, les autorités gouvernementales tout comme les entreprises doivent tenir compte des droits garantis par la Charte des droits et libertés de la personne du Québec (la « Charte »).
Rappelons que la Charte lie tout autant les acteurs privés que publics et que ses articles 1 à 38 ont préséance sur toute disposition d’une loi du Québec qui lui serait contraire. En outre, les droits et libertés garantis par la Charte, dont le droit à la sécurité, à l’inviolabilité de sa personne, à la liberté de conscience et de religion, à la sauvegarde de la dignité, de l’honneur et de la réputation et au respect de la vie privée, demeurent applicables même en contexte d’urgence sanitaire. La Charte prévoit toutefois que les droits et libertés fondamentaux doivent être exercés dans le respect des valeurs démocratiques, de l'ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec.
L’ordre public et le bien-être général des citoyens québécois semblent être au centre des préoccupations du gouvernement du Québec, qui cherche à établir un équilibre entre ces objectifs et les droits et libertés fondamentaux garantis à ses citoyens. Des considérations supplémentaires sont susceptibles de se présenter dans le cadre du déploiement des projets pilotes pour l’application du passeport vaccinal et une fois le passeport vaccinal officiellement lancé. Par exemple, il semble que la première version de l'application ne permettra pas la prise en considération des personnes qui ne peuvent pas recevoir de vaccin en raison de leur état de santé ou de leurs convictions religieuses. Il reste à voir si ces atteintes potentielles aux droits et libertés prévus par la Charte pourront se justifier au regard de l’ordre public et du bien-être général de la population et/ou si l’aménagement d’exceptions devra être envisagé.
Protection des renseignements personnels
Des considérations importantes en matière de protection des renseignements personnels et de la vie privée se posent également en ce qui concerne l’utilisation des données sur l’état de santé, de telles données étant considérées « hautement sensible ». Une attention particulière doit donc être portée pour restreindre l'accès à de telles données sauf lorsque nécessaire.
Le passeport vaccinal prendra la forme d’un code QR que les individus afficheront sur leurs téléphones intelligents et qui pourra être lu par les commerçants et les entreprises visées. Bien que peu d’informations sur la nature des renseignements affichés lors de la lecture du code QR aient été diffusées à ce jour, le gouvernement a déclaré que seul le statut de vaccination d’une personne sera visible et qu'aucune information permettant d'identifier la personne ne sera divulguée. Interrogé sur la collecte de renseignements personnels et les enjeux de confidentialité, le ministre Dubé a expliqué que l'application ne lirait que le code QR et ne collecterait aucune autre donnée sur l’utilisateur, et qu’il n’y aurait pas de base de données centralisée stockant les informations sur les utilisateurs. De même, le gouvernement du Québec indique que « [l]e passeport vaccinal est un outil qui interprétera l’information contenue dans votre preuve de vaccination pour déterminer votre statut de protection contre la COVID-19. Il ne présentera pas vos informations personnelles ni les informations sur la maladie que vous avez eue, ou le détail des vaccins que vous avez reçus »2. Les enjeux relatifs au profilage, à la géolocalisation, à la conservation et au stockage des données ainsi que le caractère temporaire du passeport vaccinal continueront d'évoluer au fur et à mesure que les projets pilotes seront déployés et que des détails additionnels sur l’utilisation de l’application seront dévoilés.
Droit de l’emploi
Bien que les clients des établissements visés (comme les restaurants et bars) devront être pleinement vaccinés et présenter un passeport vaccinal pour le prouver, le ministre de la Santé a confirmé le 10 août 2021 qu'il n'y aura aucune exigence de vaccination obligatoire pour les employés travaillant dans ces établissements. Les mesures de sécurité telles que la distanciation physique, le port du masque et les autres consignes sanitaires demeureront toutefois en place. Le gouvernement du Québec a également indiqué que les employeurs ne seront pas autorisés à exiger un passeport vaccinal comme critère d'embauche.
Depuis plusieurs mois déjà, les entreprises sont à réfléchir et établir leurs politiques de retour au travail. Plusieurs d’entre elles se demandent si elles peuvent ou devraient demander à leurs employés une preuve de vaccination comme condition soit au maintien de l'emploi, soit à l'accès aux lieux physiques. Comme discuté récemment par nos professionnels des groupes de pratique du droit des régimes de retraite, du travail et de l'emploi et du respect de la vie privée et la gestion de l'information3, l'adoption d'une politique de vaccination obligatoire (et/ou l'obligation pour les employés de fournir une preuve de vaccination) doit s'avérer nécessaire et proportionnée. Il appartient aux employeurs de trouver l'équilibre entre leurs obligations en matière de santé et de sécurité au travail et les droits et libertés fondamentaux de leurs employés, incluant le droit à la vie privée. Il n'existe pas d’approche unique en la matière et vu l'absence d'intervention du gouvernement du Québec à cet égard, le choix d'adopter ou non une politique de vaccination obligatoire (et les risques juridiques que pose une telle décision) repose sur les épaules des employeurs.
Compte-tenu des risques d'une distribution inégale des vaccins, le refus ou l’hésitation de certaines personnes à se faire vacciner et la possibilité de contre-indications médicales à la vaccination, un employeur québécois qui exigerait de ses employés qu’ils fournissent une preuve de vaccination pourrait faire l’objet de plaintes ou de réclamations en droit du travail ou encore en vertu de la législation sur les droits de la personne. Le traitement que recevront de telles mesures n'est pas clair, les tribunaux et organismes de réglementation n’ayant pas eu à se prononcer sur la question. Bien qu'il ait pu être historiquement difficile pour les employeurs d'imposer des exigences de vaccination, la pandémie de la COVID-19 est une situation sans précédent et il reste à voir comment (et si) la loi s'adaptera pour faire face aux risques uniques et graves associés à la COVID-19. À ce sujet, le gouvernement fédéral a récemment annoncé son intention d'exiger la vaccination des travailleurs sous réglementation fédérale. Par ailleurs, le gouvernement de la Colombie-Britannique a annoncé que les employés des établissements de vie assistée et des foyers de soins à longue durée devront être vaccinés contre la COVID-19 alors que le médecin hygiéniste en chef de l’Ontario a récemment a publié une directive obligeant les hôpitaux, les fournisseurs de services de soins communautaires et à domicile et les services ambulanciers à adopter une politique de vaccination contre la COVID-19 pour leurs employés. Le ministère de l’Éducation ontarien a par ailleurs annoncé son intention de mettre en place une politique de divulgation de la vaccination pour tous les employés des établissements scolaires financés par les fonds publics, le personnel des écoles privées, ainsi que pour tous les employés des services de garde d’enfants agréés au cours de l’année scolaire 2021-2022. Ces développements récents pourraient annoncer un vent de changement en ce qui concerne la réflexion sur la vaccination obligatoire.
Conclusion
Si le projet se déroule comme prévu, le Québec deviendra après le Manitoba et l'Île-du-Prince-Édouard la troisième province au pays à requérir un passeport vaccinal pour accéder à certains services et activités jugés non essentiels. L'Île-du-Prince-Édouard exige que tous les Canadiens de 12 ans et plus obtiennent un laissez-passer (PEI Pass) pour entrer dans la province sans devoir effectuer de quarantaine alors que les citoyens du Manitoba qui détiennent une carte d’immunisation peuvent fréquenter des lieux de sport et de divertissement, accéder aux restaurants et aux bars et éviter l’isolement obligatoire après avoir voyagé. D'autres provinces comme l'Alberta, la Saskatchewan et l'Ontario ont déclaré ne pas avoir l'intention de mettre en place de passeport vaccinal.
Des détails supplémentaires quant à l'application du passeport vaccinal au Québec, ses modalités ainsi que des précisions sur les entreprises assujetties à cette mesure devraient être annoncés au cours de la semaine du 23 août 2021. Entre-temps, des projets pilotes se mettent en branle à travers la province afin de tester le concept.
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1 Molly Reynolds, Ronak Shah, Rebecca Wise, Nic Wall and Jake Babad, “Proof of vaccination: privacy considerations for businesses” Torys Quarterly: https://www.torys.com/insights/publications/2021/07/proof-of-vaccination-privacy-considerations-for-businesses (disponible en anglais seulement).
2 Gouvernement du Québec, "Passeport vaccinal COVID-19", en ligne: https://www.quebec.ca/sante/problemes-de-sante/a-z/coronavirus-2019/deroulement-vaccination-contre-la-covid-19/passeport-de-vaccination-covid-19.
3 Molly Reynolds, Ronak Shah, Rebecca Wise, Nic Wall and Jake Babad, “Proof of vaccination: privacy considerations for businesses” Torys Quarterly: https://www.torys.com/insights/publications/2021/07/proof-of-vaccination-privacy-considerations-for-businesses (disponible en anglais seulement).
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