COVID-19 : incidences sur les activités des tribunaux et sur les délais en litige au Canada
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Remarque : Ce bulletin a été mis à jour depuis la publication de sa première version, le 3 avril. Il est à jour en date du 9 avril 2020.
Partout au Canada, les tribunaux ont restreint leurs activités et l’accès au système judiciaire pour freiner la propagation de la COVID-19, ainsi que pour protéger la santé et la sécurité des usagers et du personnel des tribunaux. Les délais de dépôt (ainsi que les périodes de prescription dans deux provinces) sont suspendus ou modifiés. Ce bulletin présente un aperçu des changements relatifs aux services judiciaires, aux délais de dépôt et à la prescription pour les affaires civiles en Ontario, au Québec, en Colombie-Britannique, en Alberta, ainsi que devant les cours fédérales.
En raison de la nature évolutive de la crise de la COVID-19, les tribunaux adoptent de nouvelles mesures et adaptent leurs directives en continu. Les organisations doivent consulter les plus récentes annonces du tribunal concerné avant d’entreprendre des mesures dans le cadre de toute procédure judiciaire.
Ontario
Accès aux tribunaux
Comme la plupart des instances judiciaires du Canada, la Cour supérieure et la Cour d’appel de l’Ontario ont temporairement suspendu leurs activités régulières. À l’échelle de la province, toutes les affaires de la Cour supérieure qui devaient être entendues après le 17 mars ont été ajournées jusqu’à nouvel ordre, même si les audiences devaient se dérouler par vidéoconférence ou par téléphone. Il en va de même pour les autres tribunaux de l’Ontario, notamment le Tribunal d’appel de l’aménagement local, la Commission de la location immobilière et le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario.
La Cour supérieure n’entendra que les affaires urgentes. Il reste encore à établir les critères déterminant l’urgence; ces critères seront définis au cours des prochains jours ou des prochaines semaines. La Cour a déclaré que les affaires civiles urgentes sont celles pour lesquelles on peut anticiper que « l’absence d’audition judiciaire ait des répercussions financières immédiates et importantes ». Les juges conservent le pouvoir discrétionnaire de déterminer s’il est nécessaire et approprié de traiter une affaire particulière en urgence.
Le 6 avril, les cours supérieures ont commencé à tenir des audiences à distance, y compris des conférences préparatoires, certaines requêtes (y compris les requêtes en autorisation d’une action collective à Toronto) et des dossiers soumis à la Cour divisionnaire. Lorsque cela est possible, les tribunaux utiliseront les technologies de la téléconférence ou de la vidéoconférence pour tenir les audiences à distance. Le juge en chef de la Cour supérieure a déclaré que tous les efforts possibles seront déployés pour permettre au public et aux représentants des médias d’observer les affaires entendues à distance. Cependant, on ne sait pas encore comment cet objectif se concrétisera.
La Cour d’appel a suspendu tous les appels prévus jusqu’au 3 avril, mais a continué d’entendre les appels urgents. La Cour a indiqué que les parties dont l’audience est prévue entre le 3 et le 30 avril devraient envisager une suspension et consentir à un ajournement. Elle a indiqué qu’aucune audience en personne ne sera permise tant que la déclaration de l’état d’urgence est en vigueur. Les affaires seront entendues à distance par téléconférence, par vidéoconférence ou par écrit.
En ce qui concerne les dépôts, les greffes de la Cour supérieure et de la Cour d’appel n’acceptent pas les dépôts en personne. À titre de mesure temporaire, les tribunaux permettent actuellement les dépôts par courriel. Il est permis de publier en ligne les déclarations (« statements of claim »). Pour les affaires entendues par la Cour supérieure qui nécessitent des affidavits, l’avis publié par ce tribunal le 15 mars précise que « l’affidavit peut être remis sans être déposé sous serment, mais le déposant doit pouvoir participer à une audience ». Le Barreau de l’Ontario a déclaré que, au moins de façon temporaire pendant l’état d’urgence, il interprétera les exigences légales d’identification ou de vérification de l’identité en personne pour un affidavit afin de permettre l’utilisation de « moyens virtuels », comme la vidéoconférence.
Délais de dépôt et périodes de prescription
Dans la foulée de la déclaration de l’état d’urgence en Ontario, le gouvernement provincial a émis une ordonnance suspendant l’application de toute disposition d’une loi, d’un règlement ou d’une règle qui fixe un délai de prescription ou un délai pour prendre une mesure dans le cadre d’une procédure devant un tribunal ou un autre organe décisionnel. La suspension, qui est en rétroactive au 16 mars et demeure en vigueur jusqu’à la levée de l’état d’urgence, signifie que les délais qui s’appliquent habituellement pour déposer une demande ou des documents auprès des tribunaux sont suspendus (sauf les délais de procédure qui ont été imposés par une ordonnance judiciaire, qui ne sont pas affectés par le décret du gouvernement). La Cour d’appel a publié une directive de pratique stipulant que les délais de dépôt sont suspendus jusqu’à nouvel ordre, sauf pour les appels urgents en droit de la famille et les affaires pour lesquelles un avis d’audience a été envoyé et qui n’ont pas été ajournées.
Québec
Accès aux tribunaux
Le 13 mars 2020, le gouvernement du Québec a déclaré l’état d’urgence sanitaire. Cette déclaration accorde au gouvernement un large éventail de pouvoirs civils et administratifs. Le gouvernement a exercé ces pouvoirs pour adopter une série de mesures touchant le système de justice.
Ainsi, les palais de justice sont fermés au public et seules les personnes dont la présence est nécessaire peuvent y accéder.
À la Cour d’appel, les audiences prévues d’ici le 15 mai 2020 ont été reportées. La Cour, à son entière discrétion, peut entendre les affaires urgentes.
La Cour supérieure du Québec et la Cour du Québec examinent uniquement les demandes urgentes, jusqu’à nouvel ordre. Tous les procès sur le fond prévus d’ici le 29 mai 2020 qui ne sont pas urgents sont reportés pour une durée indéterminée.
Les demandes urgentes en matière civile devant la Cour supérieure du Québec et la Cour du Québec (y compris, entre autres, les demandes d’injonction provisoire, les ordonnances de sauvegarde et toutes les autres questions jugées urgentes par la Cour) seront tenues à huis clos. La conférence téléphonique et la vidéoconférence sont les modes de communication privilégiés pour permettre aux audiences urgentes de se dérouler à distance. Pour la première fois, la Cour supérieure a tenu un procès sur le fond entièrement par vidéoconférence à la fin du mois de mars.
Chaque district judiciaire a adopté ses propres directives pour faire face à la crise. Dans le district de Montréal, les parties dont les questions préliminaires et les demandes incidentes sont inscrites au rôle sont invitées à communiquer avec la Cour avant l’audience et, si les parties ne se sont pas manifestées, les demandes seront reportées à une date indéterminée.
Les affaires en matière d’insolvabilité et les autres causes en instance devant la Chambre commerciale de la Cour supérieure du district de Montréal seront entendues au cas par cas, à la discrétion de la Cour, et par téléphone seulement.
Délais de dépôt et périodes de prescription
Les dépôts en personne à la Cour d’appel sont encore acceptés, mais la Cour exhorte les parties à retarder les dépôts non urgents. On demande aux parties qui estiment que leur affaire est urgente de communiquer avec le greffe par courriel ou par télécopieur. Si la Cour détermine que la situation est urgente, le greffe contactera les parties pour fixer la date de l’audience, soit en personne, soit à l’aide de moyens technologiques. La Cour d’appel a accéléré la mise en œuvre de son projet-pilote concernant le dépôt électronique de la déclaration d’appel en matière civile et, le 9 avril, elle a lancé la première phase de son futur greffe numérique. Cette plateforme permet aux parties d’effectuer le dépôt électronique de la déclaration d’appel, de la preuve de signification et de la preuve de notification pour les appels de plein droit en matière civile. On recommande vivement aux parties de procéder au dépôt électronique dans ces dossiers.
Les greffes de la Cour supérieure du Québec et de la Cour du Québec demeurent ouverts pour le dépôt de procédures urgentes. On recommande vivement aux parties d’acheminer toute procédure non urgente par la poste.
Le 15 mars 2020, la juge en chef du Québec et la ministre de la Justice ont exercé conjointement les pouvoirs d’urgence que leur confère le Code de procédure civile pour suspendre certains délais de prescription et de procédure. C’est la première fois que ces pouvoirs sont exercés.
L’arrêté suspend tous les délais de prescription extinctive, de déchéance et de procédure civile (sauf pour les affaires urgentes) jusqu’à l’expiration de la période de la déclaration d’état d’urgence, sauf ordonnance contraire de la juge en chef du Québec et de la ministre de la Justice.
À moins d’un décret contraire, les délais de prescription, de déchéance et de procédure civile sont prolongés pour une période équivalente à celle de la déclaration d’état d’urgence. Une fois la suspension levée, les parties doivent calculer très soigneusement les délais de prescription et de production pour s’assurer de ne pas dépasser une échéance impérative.
Colombie-Britannique
Accès aux tribunaux
Jusqu’à nouvel ordre, les activités régulières de la Cour suprême de Colombie-Britannique sont suspendues. Toutes les affaires civiles et familiales sont ajournées jusqu’au 1er mai 2020, à moins que la Cour n’en décide autrement. La Cour a indiqué qu’elle émettra des directives concernant les audiences prévues après cette date, mais elle ne l’a pas encore fait.
La Cour suprême fait une exception pour les audiences relatives aux « affaires essentielles et urgentes ». Elle a fourni une liste précisant les dossiers considérés comme étant « essentiels et urgents », notamment les demandes d’injonction urgentes et les ordonnances de conservation. La Cour exercera son pouvoir discrétionnaire pour entendre des affaires urgentes autres que celles figurant sur la liste ou pour refuser d’entendre une affaire qui ferait partie de cette même liste.
Depuis le 25 mars 2020, le greffe de la Cour suprême ne fournit plus de services de dépôt en personne et permet le dépôt électronique.
De même, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique restreint ses activités jusqu’à nouvel ordre. Toutes les audiences d’appel, les requêtes en chambre (« chambers applications ») et les dossiers actuellement prévus avant le mois de mai sont ajournés, sauf si le juge en chef les désigne comme des affaires devant suivre leur cours. Les affaires en cours seront généralement entendues à distance par téléconférence ou par écrit.
Le greffe de la Cour d’appel continue d’accepter les dépôts électroniques, par télécopie et par courrier.
Pour les affaires nécessitant des affidavits, la Cour d’appel et la Cour suprême de la Colombie-Britannique ont pris des dispositions pour l’assermentation à distance par le biais de la technologie vidéo lorsqu’il est impossible pour le déposant de se présenter devant un commissaire ou qu’il existe des préoccupations pour la santé (par exemple, lorsque les déposants doivent se mettre en quarantaine).
Délais de dépôt et périodes de prescription
Les délais de dépôt en vertu des Règles de procédure civile de la Cour suprême et des règles de la Cour suprême en matière de droit de la famille (Supreme Court Family Rules) sont suspendus jusqu’au 1er mai 2020. Le gouvernement de la Colombie-Britannique a émis un décret suspendant tout délai de prescription et tout autre délai prévu par les lois de cette province relativement aux procédures et aux appels en matière civile soumis aux tribunaux. L’ordonnance, qui est rétroactive au 18 mars 2020, permet notamment aux tribunaux de suspendre ou de prolonger les délais liés à leurs fonctions, ou de renoncer à l’application de ces délais.
La Cour suprême de la Colombie-Britannique a confirmé qu’elle examinera individuellement les demandes de prolongation des délais prévus par d’autres lois, mais uniquement après la reprise des activités régulières.
En revanche, la Cour d’appel a ordonné que les parties continuent à présenter et à signifier les avis d’appel et les demandes pour permission d’appeler dans les délais prescrits. Après la signification et la production d’un avis d’appel ou d’une demande pour permission d’appeler, tous les délais de dépôt et de signification ultérieurs sont toutefois suspendus et recommenceront à courir à compter du 4 mai 2020, sauf indication contraire. Les délais de dépôt et de signification pour tous les appels, ainsi que pour les demandes pour permission d’appeler et les autres dossiers dont la Cour est saisie, sont suspendus et recommenceront à courir dès le 4 mai, sauf pour les affaires désignées comme devant suivre leur cours et à moins d’une autre modalité judiciaire formulée à cet égard.
Alberta
Accès aux tribunaux
La Cour du Banc de la Reine de l’Alberta tiendra des séances uniquement pour les dossiers urgents, soit « [notre traduction] lorsque des personnes pourraient subir de graves conséquences ou un bien pourrait subir des dommages si l’audience n’a pas lieu, ou s’il existe un risque de perte de compétence ou relatif à l’expiration d’une ordonnance de protection ou de non-communication en vigueur ». Toutes les affaires civiles dont l'audience est prévue entre le 16 mars et le 1er mai 2020 ont été ajournées indéfiniment, à moins d’une directive contraire de la Cour.
Sous réserve de l’approbation préalable d’un juge ou d’un protonotaire, la Cour peut entendre d’autres affaires urgentes qui n’atteignent pas ce seuil de priorité, par exemple pour des questions commerciales urgentes, pour lesquelles le temps est un facteur déterminant et qui peuvent avoir des conséquences financières immédiates et importantes en l’absence d’une audience judiciaire.
La Cour d’appel de l’Alberta continue d’entendre les appels, les demandes et les requêtes. Toutefois, depuis le 23 mars 2020, il est interdit de se présenter en personne à ces audiences. La Cour d’appel a publié un protocole prévoyant la tenue des audiences par conférence téléphonique ou vidéo et précisant que les parties peuvent consentir à ce que l’appel soit tranché par écrit et sans audience.
Le 25 mars, la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta a publié un avis à la profession autorisant l’assermentation à distance des affidavits et définissant un processus précis à respecter avant le dépôt de ces affidavits. La Cour d’appel de l’Alberta a également adopté cette pratique.
Délais de dépôt et périodes de prescription
Le 30 mars 2020, le gouvernement de l’Alberta a publié un arrêté ministériel qui a suspendu divers délais de prescription jusqu’au 1er juin 2020. Cette suspension est rétroactive au 17 mars. Comme cet arrêté stipule les lois concernées, il faut bien vérifier les périodes de prescription qui sont visées par la suspension.
L’arrêté ministériel suspend également les délais dans lesquels une mesure doit être prise dans le cadre d’une procédure pendant la période de suspension, bien que celle-ci soit assujettie à la discrétion du tribunal saisi de l’affaire. Pour l’instant, on ignore encore comment l’arrêté ministériel, qui suspend les délais procéduraux jusqu’au 1er juin, interagit avec les directives publiées précédemment par la Cour du Banc de la Reine, qui annonçait une prorogation des délais procéduraux jusqu’au 1er mai.
Les greffes de tous les établissements de la Cour du Banc de la Reine sont ouverts pour accepter les dépôts. Cependant, seules certaines personnes, notamment les parties au litige, les avocats, les témoins et autres, ont accès aux établissements de la Cour. La Cour demande instamment aux avocats de privilégier les dépôts par courriel et par télécopie, dont l’accès est étendu, afin de réduire le nombre de personnes au palais de justice.
La Cour d’appel de l’Alberta avait précédemment indiqué que les délais de dépôt restent en vigueur pour la plupart, à moins qu’une échéance pour une affaire dont la date d’audience n’a pas encore été fixée soit écoulée avant le 4 mai, auquel cas elle serait prolongée de deux mois. Elle a par ailleurs affirmé que les délais de dépôt des actes introductifs ne sont pas suspendus et continuent de s’appliquer. Il reste encore à voir l’interaction entre cette directive et les suspensions stipulées dans l’arrêté ministériel.
Cours fédérales
Accès aux tribunaux
La Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale ont suspendu leurs activités, sauf en ce qui concerne les questions urgentes. Toutes les audiences de la Cour fédérale prévues d’ici le 15 mai ont été ajournées, mais les audiences sur la gestion de l’instance et certaines autres affaires seront entendues par téléphone ou par vidéoconférence. À l’instar des autres tribunaux, la Cour fédérale traite les dossiers urgents, notamment les affaires « dont le report est susceptible de causer un préjudice ou d’importantes difficultés financières ». Ces affaires seront probablement entendues par téléconférence. La Cour d’appel fédérale a également ajourné toutes les affaires qui devaient être entendues d’ici le 15 mai. Le dépôt de documents par courriel est permis pendant la période de suspension.
Délais de dépôt et périodes de prescription
Le 4 avril, la Cour fédérale a publié une Mise à jour de la directive sur la procédure et ordonnance (COVID-19) suspendant jusqu’au 15 mai l’application de tous les délais en vertu des Règles des Cours fédérales et prévus par toute ordonnance judiciaire. La Cour d’appel fédérale a également suspendu ses délais de dépôt jusqu’au 15 mai. Toutefois, ces suspensions ne s’appliquent pas aux délais prévus dans les lois pour les actions, les demandes, les révisions judiciaires et les appels.
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